Non, un bon DJ, c’est pas juste des sons que tu connais.
- Loïs Velter
- 19 avr.
- 3 min de lecture
🎧 Sujet : Pourquoi tant de gens jugent les DJs uniquement en fonction des morceaux qu’ils connaissent
1.
Le réflexe de reconnaissance : un biais cognitif naturel
Beaucoup de personnes évaluent un set de DJ en fonction de ce qu’ils reconnaissent. Ce réflexe est humain : le cerveau adore ce qui lui est familier. Cela s’appelle le biais de familiarité. Il crée une illusion de qualité simplement parce que l’on se sent en terrain connu. En d’autres termes, le cerveau confond parfois “je connais” avec “c’est bon”.
Résultat : un DJ qui enchaîne des tubes populaires semble plus “compétent” qu’un DJ qui prend des risques artistiques avec des morceaux méconnus ou des transitions audacieuses.
2.
L’effacement du DJ dans l’ère du zapping
Dans une époque marquée par le zapping, les reels, les stories et les scrolls infinis, l’attention moyenne du public diminue. Beaucoup de gens ne prennent plus le temps de s’immerger dans une progression musicale. Ils veulent “kiffer tout de suite”, dès les premières secondes.
Et pourtant, le DJ est un conteur d’ambiance : il raconte une histoire dans le temps. Le build-up, le groove, les respirations… tout ça se ressent avec un minimum de présence. Mais si l’auditeur est dans une consommation passive ou distraite, il risque de ne juger que la surface : “J’aime bien ce son-là. Je le connais.”
3.
La confusion entre entertainment immédiat et construction artistique
Certains lieux (bars, clubs, événements privés) renforcent cette logique, car ils cherchent avant tout une ambiance commerciale, où l’important est que les gens consomment, dansent vite et restent “chauds”. Dans ces contextes, on attend du DJ qu’il soit un jukebox de hits, pas un artiste.
Mais un vrai DJ adapte aussi son art à ces contraintes sans les subir. C’est là que réside son talent : trouver la liberté dans les limites, et parfois même détourner les attentes du public pour l’amener ailleurs.
4.
Le set comme narration : un art souvent invisible
Ce que beaucoup ne voient pas, c’est que chaque choix musical raconte quelque chose.
Un changement subtil de style, une transition progressive d’une ambiance à une autre, une rupture maîtrisée : ce sont des gestes artistiques forts. Mais comme dans beaucoup d’arts “live” (danse, théâtre, improvisation…), ce qui est fluide paraît simple. Et ce qui paraît simple est souvent sous-évalué.
Le DJ crée un fil rouge, fait des clins d’œil à des artistes, réveille des mémoires, tisse un récit collectif… mais si le public n’est pas attentif à l’intention, il ne capte que la surface sonore.
5.
Le problème de la notoriété : un raccourci confortable
Dernier point fondamental : beaucoup confondent la notoriété avec le talent.
Un DJ connu est souvent perçu comme forcément bon. Un DJ inconnu qui fait un set intelligent mais qui ne “fait pas lever les bras” tout de suite peut être ignoré, voire critiqué.
Mais la visibilité ne garantit pas la qualité, et l’inverse est encore plus vrai.
Le vrai critère, c’est la capacité à proposer quelque chose d’unique, à incarner une vision, à faire vivre un moment.
🎯 En résumé :
Les gens jugent souvent avec leur mémoire, pas avec leur corps.
Ce qui est populaire n’est pas forcément bien amené.
Beaucoup écoutent une musique comme un produit, pas comme une performance.
Le vrai DJ n’est pas là pour te faire plaisir, il est là pour te faire voyager. Et parfois, ça prend plus que 10 secondes.
Il est temps de revaloriser la subtilité, la progression, la prise de risque, et l’intelligence musicale.
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